Victor Valdés n’était certes ni le plus beau ni le plus fort des gardiens. Oui mais Victor Valdés est le portero le plus titré de l’Histoire du Barça et ce n’est évidemment pas le fruit du hasard. Le Catalan a mis un terme à sa carrière cette semaine dans l’indifférence générale. Une véritable injustice.
Trois Ligues des Champions, 4 Ligas, 2 Copas del Rey, 6 SuperCopas, 2 SuperCoupes d’Europe, 2 Coupes du Monde des clubs, 5 Trofeos Zamora, un record d’invincibilité de 895 minutes toutes compétitions confondues, et il devrait encore démontrer sa valeur ? Victor Valdés a gardé la cage du Barça le plus prolifique de l’Histoire mais, hors de Catalogne, il est resté un mal-aimé, presque un intrus au milieu des étoiles culés. Douze ans de bons et loyaux services, 530 matches entre 2002 et 2014, n’auront pas suffi à lui faire une place au panthéon des meilleurs de sa catégorie. Évidemment, en termes de qualité pure, il n’a jamais été l’égal de Gigi Buffon, d’un Iker Casillas ou d’un Manuel Neuer. Bien sûr, il a évolué dans une équipe confisquant le ballon. Mais quand bien même. On n’est pas le dernier rempart d’une des plus grandes équipes de l’Histoire du football par hasard, qui plus est au Barça qui a eu son compte en gardiens moyens depuis le départ d’Andoni Zubizarreta en 1994 : Carles Busquets, Vítor Baía, Ruud Hesp, Rüstü Reçber, Richard Dutruel, Roberto Bonano.
Et le 24 mai 2006 face à Thierry Henry, tout bascule…
Victor Valdés a contredit l’adage. Lui a été prophète en son pays. Le natif de l’Hospitalet de Llobregat est chéri par les supporters du Barça. Un grand nom, une légende, appelez cela comme vous voulez, le « Doble V » n’a tout simplement pas d’égal, tant dans la longévité que dans le palmarès. Tout a commencé le 14 août 2002, contre le Legia Varsovie. Alors que Van Gaal entame son second mandat à la tête du banc Blaugrana, le Pélican décide de titulariser un jeune gardien de 20 ans dans les cages catalanes. Pendant douze ans et « medio millar » de matches, les envolées de la Pantera ont jalonné les succès du Barça. Et malgré une réputation en demi-teinte hors de Catalogne, Valdés a bien contribué à l’avènement d’une des plus grandes équipes de l’Histoire, couronnée de trois Ligues des Champions : Paris 2006, Rome 2009, Wembley 2011.
Pourtant, l’aventure devait se terminer au soir du succès contre Arsenal, à tout juste 24 ans. Ce 24 mai 2006 est qualifié par Valdés comme « le jour le plus important de sa vie ». L’anecdote est rapportée dans un article de Sid Lowe dans le Guardian en 2012 : « Je suis rentré dans ce match en sachant que le lendemain je ne serai plus le gardien du Barça. Les critiques fusaient. Personne ne m’avait rien dit mais mon intuition me disait que j’allais partir. Mais plutôt que de ressentir de la pression, je me suis senti libéré. J’avais juste l’idée de « sal y disfruta », sors et profite, parce que je savais que ce serait ma dernière. Mais la destinée avait d’autres plans ». Valdés sort un match énorme, repousse deux fois des tentatives de Thierry Henry dans les cinq premières minutes et remporte un face-à-face avec l’Anaconda à la 68e minute, alors que le Barça est toujours mené 1-0. Rijkaard le félicite et décide de le conserver.
2 x 12
Blaugrana pur sucre arrivé à la Masia à 10 ans, lancé par Van Gaal, révélé avec Rijkaard, Valdés prend une nouvelle dimension sous l’égide de Pep Guardiola, avec le perfectionnement de son jeu court. C’est avec l’ancien numéro 4 culé qu’il remporte 4 Trofeos Zamoras (titre honorifique récompensant le gardien le plus hermétique de Liga) consécutivement (2008 à 2012). C’est aussi à cette époque qu’il bat le record d’invincibilité de Miguel Reina et n’encaisse aucun but pendant 895 minutes toutes compétitions confondues. Dans une équipe qui jouait la possession à outrance et préférait entrer dans les cages adverses avec le ballon plutôt que de tenter de 20 mètres, on pourrait penser que Valdés a eu la vie facile entouré des Ronaldinho, Eto’o, Messi et consorts. Pas si simple. « Un an à Barcelone, c’est comme deux ans partout ailleurs, affirmait-il en 2012. Des fois, tu es en morceaux. Mentalement, c’est harassant. J’ai terminé des matches complètement cuit alors que j’avais à peine touché le ballon. Là tu vas me demander pourquoi ? Parce que psychologiquement, tu es entièrement immergé et ça peut être plus fatiguant qu’une dépense physique ».
Et sorti du terrain, la débauche mentale est également importante : « tout est analysé jusqu’au dernier centimètre et si tu ne peux pas t’isoler, cela t’affecte. L’entourage est vulnérable et ça marque la dynamique du club. Un jour tout en haut, l’autre tout en bas, tu te demandes ce qui est arrivé. J’ai perfectionné ma méthodologie année après année : je me suis convaincu que ta réputation n’est pas tout le temps remise en jeu. Il ne faut pas être influencé et garder la tête froide. Le Barça c’est « plus qu’un club » pour un tas de raisons et celle-ci en fait partie ». Et finalement sans paraître irremplaçable, Valdés l’a pourtant été et il s’est permis le luxe de quitter le Barça de son propre chef en refusant de prolonger son bail.
Pour le meilleur et parfois pour le pire
Victor Valdés n’a pas toujours été irréprochable loin s’en faut. Mais, contrairement à Iker Casillas par exemple, ses boulettes ont été largement reprises et (re)diffusées. Souvent pour s’identifier, il faut un gentil et un méchant et dans ces considérations manichéennes, le Catalan a incarné le mauvais rôle. Après avoir encaissé un but d’Ángel Di María en SuperCoupe d’Espagne, Xavi Hernández était monté au créneau pour défendre son portero : « Il est le meilleur portier du monde que puisse avoir le Barça ». Autre gaffe restée célèbre : le deuxième but d’Ivan de la Peña lors d’un derby contre l’Espanyol en 2009 qui valide la première victoire perico au Camp Nou depuis… 27 ans (à partir de 3’25).
Face à Casillas, une histoire impossible avec la Roja
Si Victor Valdés s’impose dans le championnat espagnol, en sélection nationale en revanche, le gardien a bien dû mal à s’imposer. Il doit attendre… 2010 pour être enfin convoqué avec la Roja ! Forcément loin derrière le monument Iker Casillas qui a déjà 10 ans d’ancienneté avec la Selección, il est également mis en concurrence avec Pepe Reina, le fils du grand Miguel qui, lui, avait quitté le Barça pour rejoindre Villarreal. Né comme Valdés en 1982, Pepe a pourtant commencé deux ans plus tôt dans la cage blaugrana, en 2000, après une blessure de Richard Dutruel. El Doble V l’avait d’ailleurs remplacé avec le Barça B. Mais Valdés est resté, avec le succès que l’on connaît.
Si Valdés est souvent oublié des différents classements des meilleurs gardiens de son époque, c’est peut-être aussi en raison de son effacement. « J’aime la solitude, expliquait-il toujours dans le Guardian. Je n’en ai peut-être pas l’air mais je suis assez timide et introverti. C’est ma façon d’être. Je sais que ma nature m’a desservi sur certains aspects de ma profession, comme les événements publics, les engagements médiatiques, les galas, etc. Mais tu ne peux pas aller à l’encontre de ce que tu es ».
Une fin en catimini
Depuis 2012, Valdés savait que son aventure avec son club de toujours prendrait fin en 2014. Mais au lieu de finir en apothéose, elle se termine dans les larmes. Le 26 mars contre le Celta de Vigo, il se rompt les ligaments croisés du genou et quitte la scène. Bien triste façon de tirer sa révérence… « Ma sortie de Barcelone n’était pas celle dont j’avais envie. Mon caractère a fait que je me suis isolé: Et puis j’ai pris la décision de partir. Les gens espéraient sans doute mieux de ma part et ils peuvent le penser : certaines de mes attitudes sont à récriminer », a-t-il déclaré dans les colonnes d’El País en 2014. Une blessure terrible qui conditionne sa fin de carrière. Malgré une rééducation intensive à Augsbourg (Allemagne), VV ne se remettra jamais totalement de cette coupure forcée. Il termine sa carrière par des expériences mitigées à Manchester United où il retrouve Van Gaal, au Standard de Liège (il remporte la Coupe de Belgique) et à Middlesbrough (descente en Championship). Mais qu’importe cet épilogue et cet arrière-goût d’inachevé. Victor Valdés restera à jamais le Super Victor du grand Barça. Et ses adieux au football auraient mérité davantage de respect.
Soledad Arque Vázquez et François Miguel Boudet