Catalogne – Venezuela : quand la politique prend le dessus sur le match

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Alors que la sélection catalane s’apprête à affronter le Venezuela ce lundi 25 mars, de nombreux facteurs plus ou moins sportifs viennent perturber le bon déroulement de la rencontre. Entre refus des clubs de prêter leurs joueurs catalans, et présence parfois contestée de Gérard Piqué, le match de la Catalogne s’annonce autant politique que polémique. 

Le dernier match disputé par la sélection non-reconnue de Catalogne avait pris place en décembre 2016, face à la Tunisie. La rencontre s’était soldée par une victoire aux penalties alors que la fin du temps réglementaire avait vu ces équipes avec trois buts chacune. Plus de deux ans plus tard, l’équipe du sélectionneur Gerard López retrouve les pelouses. Il s’agit ici d’une première puisque la Selecció disputera son match amical face au Venezuela en pleine période internationale. Autrement dit, les Catalans joueront en même temps que les équipes préparant l’Euro 2020.

Cette première, permise grâce à l’accord de la Fédération espagnole, rappelle le dernier déplacement des Vénézuéliens en Espagne. Il y a six mois, ces derniers avaient affronté en période internationale le Pays Basque. L’Euskal Selekzioa avait remporté le match par quatre buts à deux.
Mais à la différence de la sélection basque, la Catalogne a eu plus de mal à organiser le match, et notamment par le refus de plusieurs clubs de prêter leurs footballeurs catalans.

Lors de leur dernière rencontre, les Basques avaient gagné 1-0 contre la Catalogne [Crédits : El Confidencial]

Rayo Vallecano et SD Huesca refusent le prêt de quatre joueurs

Durant les 24 heures suivant le dévoilement de la liste de Gerard López, de nombreux changements ont dû y être apportés en urgence. Le faute notamment à des décisions de dernière minute des clubs, qui ont par exemple conduit le sélectionneur a remplacé ses deux gardiens.

Le cas du SD Huesca est peut-être le plus ironique pour les Catalans. En effet, après avoir refusé de prêter son ailier Alex Gallar ainsi que l’attaquant Enric Gallego, le club aragonais a laissé partir ses milieux de terrain Yangel Herrera et Juanpi Añor avec le Venezuela… qui affronte la Catalogne. « Le Venezuela est une sélection nationale reconnue par la FIFA, nous sommes obligés de prêter nos joueurs » explique le club, mais bien que totalement véridique sur le plan légal, cette excuse n’a pas convaincu tout le monde. D’autant lorsque le refus de libérer ses joueurs catalans est mis sur le dos de « raisons sportives ». Gerard López a dû faire face à cette première recale de la part d’un club Liga, rapidement suivie par une seconde.

Le Rayo Vallecano a lui-aussi refusé de laisser partir ses joueurs catalans. Le gardien Alberto García, bien que sur le banc depuis 17 matchs, ainsi que le prometteur Álex Moreno resteront dans les rangs du club madrilène en cette fin de mars. Tout en affichant des raisons sportives similaires à celles présentées par Huesca, le Rayo a aussi mis en avant son contexte sportif. À quelques points de la sortie de la zone rouge, les Franjirrojos n’ont pas hésité à licencier leur entraineur Míchel. Son remplaçant, Paco Jémez, souhaiterait donc profiter de l’intégralité de cette trêve internationale pour découvrir l’effectif mis à sa disposition.

On peut s’attendre à voir beaucoup de supporters au Mentilivi [Crédits : GOAL]

Real Valladolid : entre retournement de veste et privation de sélectionneur

Comme l’Euskal Selekzioa – jusqu’à l’arrivée de Javier Clemente – la sélection catalane utilise deux sélectionneurs pour faire ses listes. Après deux ans de travail solitaire, Gerard López a été rejoint en 2015 par Sergio González au poste de sélectionneur catalan. Mais ce dernier, accessoirement joueur le plus expérimenté avec la Selecció (13 matchs entre 1998 et 2011) s’est reconverti en entraîneur et est à la tête du Real Valladolid depuis l’été 2018. Sans surprise, le club n’a pas permis à son entraineur d’accomplir son travail en Catalogne.

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À la différence du Rayo et de Huesca, le Real Valladolid avait autorisé le milieu central Rubén Alcaraz ainsi que le gardien Jordi Masip à participer au match de la Catalogne. Mais seulement quelques heures après cette annonce, la Pucela fait marche arrière et prive le sélectionneur catalan de deux éléments très importants. De plus, avec le refus du Rayo de prêter Alberto García, ce sont les deux uniques gardiens de la Selecció qui doivent être remplacés d’urgence. Joan Soteras, président de la Fédération catalane, expliquera sur le site Sport qu’il ne sait pas du tout ce qu’il s’est passé. « Il y a des clubs qui, n’étant pas obligés, ne prêtent pas leurs joueurs. Il y a pu avoir des pressions des supporters ou des peñas, mais nous nous concentrons sur le match » confirme-t-il.

Pour combler les absences imprévues des deux gardiens convoqués, Gerard López a fait appel au portier de 30 ans du Gimnàstic de Tarragona, Isaac Becerra, ainsi qu’à Edgar Badía, 27 ans, d’Elche. Des joueurs hypothétiquement loin du niveau affiché par Masip en Liga.

Gerard López lors de sa signature au poste de sélectionneur de la Catalogne [Crédits : Europapress]

Gerard Piqué accentue les critiques politiques autour de la Selecció

Nous l’avons vu, le refus de certains clubs espagnols de prêter leurs joueurs catalans a été perçu par un grand nombre de supporters comme une action davantage politique que sportive. Le Real Valladolid se voit, depuis leur décision à l’encontre de la Selecció, régulièrement critiqué. Le mot « Fachadolid » est très présent sur les réseaux sociaux, en référence aux violentes répressions de l’extrême-droite face aux mouvements sociaux à Valladolid dans les années 1980.

La convocation du défenseur Gerard Piqué n’a pas manqué d’augmenter les critiques politiques autour du match de la Catalogne. Le joueur du Barça, qui a délaissé la sélection espagnole après le Mondial 2018, est critiqué pour son choix de poursuite avec la Catalogne. Mais est-ce réellement justifié de critiquer un joueur qui à 32 ans, ne se sent plus de défendre la Roja ? Et peut-on vraiment comparer la participation d’un joueur à des matchs internationaux à enjeux, avec une rencontre amicale en Catalogne ? Face aux controverses, Gerard López a confirmé que « Piqué n’a pas quitté la sélection  espagnole pour jouer avec la Catalogne ». Les interventions du défenseur dans les médias, notamment lors du référendum catalan d’auto-détermination en octobre 2017, participent aux critiques de certains espagnols envers Piqué.

Piqué, Puyol et Xavi en 2013 avec la Catalogne [Crédits : GOAL]

L’absence de dernière minute de Xavi ne manque pas de décevoir

Et alors que les supporters du Barça se faisaient une joie de revoir Piqué avec le même maillot que Xavi Hernández, nous avons appris que le milieu de terrain ne fera pas le déplacement. Pourtant convoqué par Gerard López, le milieu de terrain a annoncé qu’il ne pourra finalement pas participer au match. « Je suis très triste d’annoncer que je ne pourrais pas participer à la rencontre face au Venezuela […]. Mes engagements avec le club d’Al Sadd ne me permettent pas le déplacement […]. J’espère que la prochaine fois je pourrais être avec vous » a-t-il expliqué sur Instagram.

Une décision de dernière minute qui va d’autant plus compliquer la tâche du sélectionneur dans son jeu. Joan Soteras, le président de la fédération catalane, avait expliqué à Sport qu’un hommage devait être rendu à Xavi, qui participe à sa dernière saison en tant que footballeur professionnel. Cette information attriste fortement les Catalans, qui en plus de perdre un élément très important dans les derniers matchs de la Selecció, perdent l’un de leurs chouchous et historique représentant de l’équipe catalane. Le veto posé par le club quatarien est d’autant plus dommage que Xavi aurait pu égaliser les 13 matchs disputés par Sergio González avec la Catalogne. Al Sadd Sports Club avait pourtant autorisé le natif de Terrassa a se déplacer au Montilivi en 2016 pour affronter la Tunisie.

Xavi Hernandez ne fera finalement pas le déplacement depuis le Qatar pour retrouver le maillot de la Catalogne [Crédits : The Times]

Derrière les polémiques et revendications, une rencontre sportive

L’idée de jouer en même temps que les équipes reconnues par la FIFA n’est pas anodine. L’objectif de gagner en visibilité internationale est d’autant plus affiché. Mais derrière les revendications politiques dans les tribunes, la rencontre s’annonce très serrée sur la pelouse.

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Avec des portiers d’une qualité inférieure à celle de ceux d’origine, les défenseurs de la Selecció auront un rôle très important dans le jeu mis en place par Gerard López. Piqué (Barça), Cucurella (Eibar), Bartra (Bétis) et Muniesa (Girona) devront être à la hauteur, mais les performances de ces joueurs en Liga permettront de rassurer les supporters catalans, parfois inquiets de l’absence du gardien Masip. Au milieu de terrain, Aleix Garcia et Àlex Granell (Girona), Víctor Sánchez (Espanyol) et le jeune Riqui Puig (Barça) devront maintenir la pression face aux joueurs vénézuéliens. Pour ce qui est de l’attaque, Bojan Krkic a fait le voyage depuis l’Angleterre (Stoke City) et, accompagné de Sergio García (Espanyol), pourrait faire beaucoup de bien face aux cages d’Alain Bajora (gardien du Venezuela, ndlr). L’équipe qui se déplace en Catalogne vient en grande confiance après sa victoire 1-3 face à l’Argentine de Lionel Messi.

Les revendications d’officialisation de la sélection catalane ne manqueront pas [Crédits : El Español]

Pour revoir la Catalogne jouer au football avec son propre maillot, le rendez-vous est donné ce lundi 25 mars, à 21h, au stade Montilivi de Girona. Allons-nous assister à une nouvelle rencontre trouvant un vainqueur aux penalties ? Les 13 500 places du stade seront-elles pleines de slogans indépendantistes ? Quoi qu’il en soit, les échecs ou les succès de ce match de la Selecció seront déterminants pour la continuité de la sélection catalane.

Jérémy Lequatre-Garat
@Euskarade

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