Iborra à Villarreal, un transfert qui interroge

100% Liga Accueil Actu Analyse En avant Liga Santander Villarreal

Vicente Iborra est de retour en Liga. Son départ de Seville avait été dur à comprendre, son retour à Villarreal l’est tout autant. 

Voir partir son capitaine a toujours quelque chose de triste. Ce genre de joueurs ont généralement passé de belles années au club, ce qui leur a conféré l’honneur de porter le brassard. Mais parfois, au lieu d’un pincement au cœur, c’est plutôt l’estomac qui en prend un coup ; exactement comme dans le mot « estomaqué ». Quand Vicente Iborra, capitaine de Séville a quitté un club trois fois champion d’Europe pour rejoindre Leicester, les supporters du Sánchez Pizjuán ont dû ressentir une sensation étrange dans le bas-ventre.

Un départ regretté

Les sirènes de la Premier League étaient-elles si belles que ça ? On comprend les Camacho, Montoya, Kiko Femenía lors de leurs départs, évoluant tous dans des clubs sans grandes prétentions au moment de leur passage. Le cas Vicente Iborra, est décidément plus dur à appréhender. Entre le départ d’Emery et la venue de Sampaoli, le style avait certes changé. Ce n’est pas pour autant que le milieu espagnol avait été pénalisé, titulaire indiscutable une saison encore au sein du milieu sévillan. Changer d’air, voilà la raison.

Il faut dire que la saison précédant son départ, le natif de Moncada avait failli accepter une offre de Sunderland. Alors en 2017, le joueur a invoqué le fameux « train qui ne passe qu’une fois » et a fait ses valises. Et finalement, au lieu d’en prendre pour son grade, le joueur a été épargné par les supporters, accusant la direction de vendre des footballeurs comme des produits. Les limites du modèle Monchi… Après avoir perdu le capitaine Coke il y a 12 mois, Séville perdait le capitaine Iborra.

En Premier League, les joueurs espagnols, plus particulièrement les milieu et les attaquants, ont deux façons de s’imposer : soit ils font valoir leur technique supérieure, à l’instar de David Silva, Mata ou Cazorla, soit ils s’appuient sur un physique dominant, comme Oriol Romeu, Pedro Obiang ou Adama Traoré. Pour Iborra, il fallait plutôt compter sur la seconde option. Mais les choses n’ont tourné qu’à moitié tourné en sa faveur.

A lire : Roque Mesa, Nolito, Sandro… : Lost in translation

Blessé dès son arrivée dans l’East Midlands, le Méditerranéen s’est quand même débrouillé pour figurer dans le onze titulaire à 17 reprises, sur 29 apparitions en championnat. En Espagne ou en Angleterre, jouer au sein des double-pivots, ça lui convenait. Une première saison pas mal réussie donc, compte tenu de l’adaptation nécessaire à un nouveau football, et surtout, à un nouveau coach arrivé en cours de saison. Signé sous Craig Shakespeare, Iborra obtenait aussi des minutes sous Claude Puel. Les choses allaient pourtant se corser lors du second exercice sous le maillot des Foxes, où il se ferait ravir sa place par Nampalys Mendy, joueur enthousiasmant. Très peu aligné, Iborra devait trouver une nouvelle voie : la sortie.

À lire : Philippe Auclair : « C’est une très belle rencontre que celle entre le football espagnol et anglais »

Pourquoi Villarreal pour Iborra ?

Retour au bercail donc. Enfin, pas vraiment. Retour en Liga, ni à Séville, ni à Levante, les deux clubs qu’il a connus jusque-là. Au moins, en signant à Villarreal, il se retrouve à une heure de voiture de son lieu natal. Peut-être cela a-t-il pesé dans le choix de la destination. Autre facteur important, l’entraîneur, Luis García Plaza, qui a eu Iborra sous ses ordres trois ans à Levante. « Connaître Luis García est un point favorable. Je le connais et je sais ce qu’il attend » reconnaissait le joueur lors de sa présentaiton. Revenir proche de chez soi, jouer dans un club important du championnat (en grande difficulté mais tout de même important), évoluer sous les ordres d’un entraîneur connu, les raisons du choix d’Iborra sont claires. Pour ce qui est des motivations de Villarreal, c’est moins le cas.

Côté positif, Iborra connaît le championnat et est un leader de vestiaire. Mentionnons aussi que c’est un homme très apprécié des supporters de ses précédents clubs. Signer un bon gars, politiquement c’est une manœuvre peu risquée. Côté négatif, son salaire est élevé, bien qu’il ait consenti à faire un effort, pour que le club ne soit pas bouleversé par l’augmentation de la masse salariale. Au milieu de tout ça, il y a le jeu. Or, c’est là que le bât semble blesser.

En l’absence longue durée de Bruno Soriano, et depuis le départ de Rodri à l’Atlético, Villarreal a perdu deux joueurs faisant office de marque de fabrique au milieu de terrain, le mediocentro posicional. Ce joueur qui reste dans sa zone, et dicte le rythme du match à coup de passe vers l’avant, d’une précision enviable. De ce fait, tout le jeu des Groguets s’en ressent. Pire, on ne sait pas trop à quoi joue l’équipe. Ni Caseres ni Javi Fuego n’ont été en mesure de contrôler le milieu de terrain, joueurs peu créatifs qu’ils sont. Force est de constater qu’Iborra ressemble plus à ces derniers qu’à Rodri. L’animation offensive du sous-marin jaune risque de ne pas être transformée par Iborra…

D’autant plus qu’en l’absence d’un double-pivot dans lequel l’incorporer, les doutes grandissent. Luis García changera-t-il son système ? Il est vrai que le 4231 est le schéma préférentiel du nouvel entraîneur et que c’est la formation choisie sur les dernières sorties. L’autre solution serait de changer de style de jeu. Jouer le repli et profiter exclusivement de la vitesse de Pedraza, Chukwueze et de Gerard Moreno. Toutefois, le bonheur de ces derniers ferait le malheur de Cazorla et de Fornals. Là où Iborra pourrait aider l’équipe, c’est grâce à ses projections dans la surface, pour conclure les actions. L’homme avec les plus beaux sourcils du championnat a marqué trois fois sept buts en Liga lors de son aventure sévillane.

Pour profiter de cette qualité, il faudrait plutôt chercher à jouer en camp adverse, sans oublier de disposer d’un coéquipier au milieu pour couvrir ses épaules. On revient à l’interrogation de départ quant au style et au système. Pas simple. De toute façon, la vie de relégable ce n’est jamais simple. Au moins, Villarreal est un relégable pouvant se permettre de dépenser dix millions sans trop de remords. Même si, au-travers de ce transfert, c’est toute la question du jeu préoccupant de l’équipe qui revient sur la table.

Elias Baillif (Elias_B09)

Commentaires