Luis Enrique, les enjeux de sa nomination à la tête de la Roja

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Credits : eurosport.fr

Luis Enrique est le nouveau sélectionneur de l’Espagne. Décryptage des raisons d’un tel choix. 

Pelé, Mariano Rajoy, John Cena, le cousin d’Abidal, Supermario, les Espagnols ne manquaient pas d’humour sur Twitter, au moment d’attendre l’annonce du nouveau sélectionneur. Finalement, ce sera Luis Enrique, tel que l’a avancé Marca hier soir. Pendant que les autres médias dissertaient sur Roberto Martínez, tout en continuant d’avancer des noms un tant soit peu incongrus (Victor Sánchez del Amo, Míchel), le journal madrilène tenait le bon filon. Luis Rubiales, président de la Fédération a précisé que Luis Enrique « est le seul candidat auquel nous avons parlé ». C’est dire si les deux parties étaient sur la même longueur d’onde. Le seul frein possible, le salaire, a été convenu sans accrocs. Comme ses prédécesseurs, Lucho touchera 1,5 millions d’euros nets par saison, bien loin des 6 millions que certains clubs pourraient lui offrir. « Nous remercions Luis Enrique pour l’effort économique qu’il a fait » a déclaré Rubiales. Le nouveau míster débarque avec son staff (Unzué en fera-t-il partie ?) et aucune clause de libération n’a été inscrite dans son contrat. Pas question de revivre un cas à la Lopetegui.

Une question de style

Au niveau du standing, pas de doutes, Luis Enrique était le candidat au palmarès le plus garni. Si l’armoire à trophées participe à la légitimation de l’Asturien de 48 ans, un autre avantage jouait en sa faveur : le style de jeu prôné. Que ce soit au Barça B, à Rome au Celta ou avec la première équipe culé, le nouveau sélectionneur a toujours été fidèle au juego de toque, en y apportant sa touche personnelle. Bien que l’Espagne ait perdu lamentablement en Russie, ouvrant la porte à un débat sur le style de jeu, celui-ci a été clos sans coup férir. L’Espagne a écrit l’Histoire avec ses idées, elle doit continuer à les appliquer. Elle pourrait difficilement faire autrement, au vu des profils dont elle dispose. Contrairement à Míchel, Quique Sánchez Flores ou Roberto Martínez, Luis Enrique à utilisé le jeu de position tout au long de sa carrière d’entraîneur. Avoir joué au Barça – et pas n’importe quel Barça- ça marque la philosophie d’un homme !

Crédits : goal.com

Pourtant, les critiques peuvent affluer. On a souvent accusé l’ex mister du club blaugrana d’en avoir détruit l’identité de jeu. En réalité, il l’a plutôt fait évoluer, au-devant des contraintes qui lui ont été imposées ; impossible de jouer comme Pep avec Neymar, Luis Suárez et un Xavi parti. De son travail au Camp Nou, il faut avoir à l’esprit le contexte pour produire un jugement en termes de jeu. Un jugement qui, nous en dit assez peu sur l’apparence qu’aura son équipe d’Espagne.

Tout au long de sa carrière sur les bancs de touche, Luis Enrique a cherché à ce que ses équipes dominent le jeu. Pour ce faire, il n’a pas hésité à sortir des innovations de son chapeau. Changements de système, reposoitionnement d’ailiers à l’intérieur du jeu, création d’espaces en faveur de ses meilleurs joueurs. D’ailleurs, des idées de la sorte seront aussi nécessaires à la Sélection. Décidément, le quarantenaire aux cheveux poivre et sel semble être l’homme idoine pour relancer un collectif que le départ de Lopetegui a appauvri en idées.

Avec les départs possibles d’Iniesta, Silva et Piqué, l’Espagne va se retrouver orpheline d’acteurs majeurs de son histoire. Faute de pouvoir les remplacer immédiatement, pourquoi ne pas adapter légèrement le style de l’équipe ? L’entrée de joueurs permettant d’évoluer de manière un peu plus verticale tels qu’Asensio ou Aspas pourrait aller en ce sens. S’il faut tenter des choses, Luis Enrique le fera. À cet égard, le milieu de terrain sera au cœur de son questionnement. Avec Isco, il y a de quoi faire de grandes choses. Reste à déterminer comment, et avec qui autour.

Quid de son tempérament ?

Reste désormais à s’atteler au point sensible : le caractère du nouvel homme fort de la Roja, qui semble avoir un goût avéré pour la pyromanie. À titre d’exemple, il s’était brouillé avec Lionel Messi lors des premiers mois de son mandat en Catalogne. Puis, quand ce n’est pas les journalistes qui ont subi ses foudres, c’est Jordi Alba qui en a fait les frais. De là à être tenté de l’appeler le « Mourinho espagnol », il n’y a qu’un pas ténu.

La polarisation Barça-Real peut reprendre de plus belle. Lopetegui avait notamment été choisi en raison de son profil pacifique. Un gardien de seconde zone à avoir connu le Real et le Barça sans y avoir laissé une trace indélébile, ça convenait bien. Luis Enrique, lui, ce n’est pas tout à fait la même neutralité. Rappelons que cet ailier provocateur avait abandonné la Casa Blanca pour rejoindre le Camp Nou, et y jurer fidélité. Comme un autre ailier, un autre Luis, Figo, qui fera le trajet inverse quatre ans plus tard. Voilà que les Barcelonais moquent les Madrilènes quant à la nomination d’un pro Barça à la tête d’une équipe censée être l’équipe de tous.

Main de fer

La première polémique est déjà servie. Il suffisait de demander. « Les Catalans sont d’enfer. Ils sont très avancés par rapport à l’Espagne en général ». On peut remercier la presse, d’avoir déterré cette déclaration datant d’avril, sortie de son contexte qui plus est. La presse précisément, doit être en train de suer, elle dont un secteur militait en faveur de la venue de Míchel. Habitués à bénéficier de nombreuses entrées auprès du sélectionneur, les privilèges des médias seront-ils mis à mal par Luis Enrique ? Les autres titulaires du poste avaient pour habitude de consacrer beaucoup de temps aux journalistes, qui en échange faisaient preuve d’une certaine bienveillance à leur égard. Être sélectionneur, c’est avant tout être diplomate. Reste à voir quel sens a Lucho de la diplomatie. La force et le consensus sont deux méthodes bien différentes.

La force, justement, a été invoquée en filigrane par Luis Rubiales, qui disait vouloir « un entraîneur de caractère qui impose sa méthode au vestiaire ». Tout comme des largesses ont été commises à la Fédération avant la venue de Rubiales, le vestiaire de la Roja a vécu des turbulences depuis 2014. L’ambiance n’a pas toujours été au beau fixe. Les deux Luis ont entamé le même combat : rétablir l’ordre là où ils passent. Pour la première fois depuis qu’il est en poste, le président dispose d’un allié sur le banc de touche.

 

Elias Baillif

 

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