Iran : Javad Nekounam, le pionnier

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Crédits : Diariodenavarro

Javad Nekounam est une idole en Iran. Il détient record du nombre de sélections, dépassant la légende Ali Daei. Au pays, il est plus qu’un joueur, c’est un ambassadeur, un talisman. Ce géant du football iranien et asiatique n’a cependant connu qu’un club européen, le CA Osasuna. Retour sur le passage en Liga de la leyenda Neku. 

Nous sommes en 2006, l’Iran vient de retrouver la Coupe du Monde après 8 ans d’absence. Emmené par ses deux légendes, Ali Karimi et Ali Daei qui encadrent un effectif talentueux, on se prend même à rêver au pays d’un parcours intéressant. Il n’en est rien : l’Iran ne gagne pas un match et sort pas la petite porte. Même si le potentiel n’a pas pu être exploité, les recruteurs scrutent cette équipe remplie de joueurs locaux. Le football local est relevé, les Iraniens aiment beaucoup le football cependant leurs pépites ont du mal à s’exporter.

Javad Nekounam, la sentinelle de 25 ans, tape cependant dans l’oeil de plusieurs clubs européens dont l’OL et le Hertha Berlin. Les discussions sont avancées avec ces deux formations et pourtant, c’est bien en Espagne et plus particulièrement à l’Osasuna que le milieu de terrain posera ses valises. Le club de Pampelune sort d’une saison fantastique : 4e de Liga et donc une qualification pour les barrages de la Ligue des champions.

Une première saison incroyable

Logiquement, les Gorritxoak s’attendent à un recrutement ambitieux qui permettrait au club de poursuivre sur sa lancée. Il n’en est rien. Pas de noms clinquants, des jeunes qui arrivent en prêt ou pour une bouchée de pain et donc Javad Nekounam, l’international iranien qui a quand même 76 sélection et plus de 200 matchs pro entre le championnat iranien et celui des Emirats Arabes Unis. Sa signature pose cependant question : on se demande s’il a vraiment le niveau, quel est son style et s’il saura s’adapter à la vie et au style de jeu espagnol.

« C’était à l’été 2006, on s’apprêtait à disputer le tour préliminaire de Ligue des champions. On s’attendait à avoir des renforts de renom et on a vu arriver Javad… Nos recruteurs l’avaient observé durant le Mondial allemand qu’il avait disputé avec l’Iran. Nous avons été surpris car c’est un extraordinaire footballeur »
Ludovic Delporte (2004-2010) revient sur l’arrivée de Nekounam à Osasuna dans le journal LeMonde.

Javad Nekounam devient donc le premier Iranien à évoluer en Liga. Il joue sa première minute pour le club en entrant en toute fin de match lors du barrage de C1 face à Hambourg. Une confrontation qui éliminera les Espagnols à cause de la règle du but à l’extérieur et qui les reversera en Coupe UEFA. Bien que décevant en championnat (l’équipe finira 14e), Osasuna déroule et fait sensation en Europe. Après s’être extirpés de la phase de groupe plutôt facilement, les Rojillos affrontent les Girondins de Bordeaux en 1/32 de finale. Durant 180 minutes, aucun but n’est marqué et on doit jouer les prolongations. A la 120e toujours 0-0 : on se dit qu’on va avoir le droit à des prolongations mais suite à un centre qui semblait anodin un Navarrais surgit et vient catapulter le ballon dans les filets. Ce joueur c’est Nekounam et il fait exploser le stade d’El Sadar. L’Iranien vient de poser la première pierre de son idylle avec le club espagnol qui durera 6 saisons.

Cette première saison reste une réussite pour Nekounam qui fait taire toutes les critiques et moqueries sur lui. Il dispute 24 matchs dont 20 comme titulaire. Il est même dans le XI pour la 1/2 finale retour de Coupe UEFA face à Séville qui sera perdue par Osasuna. Rapidement son style épate. C’est un 6 avec une bonne vision du jeu, un physique correct et surtout une capacité à toujours bien roder dans la surface pour glisser sa tête. L’Iranien est un 6 moderne qui n’a pas peur de se porter à l’offensive pour créer du surnombre. De plus, il a une frappe de balle plus qu’intéressante qui fait de lui une arme redoutable de loin ou sur phases arrêtées.

Une légende à Pampelune

Sa deuxième saison doit logiquement être celle de la confirmation et même de son affirmation comme un leader de cette équipe. Surtout que Javad Nekounam revient de la Coupe d’Asie avec un titre de meilleur joueur iranien de 2006. Tout est en place pour que « Neku » explose en Liga mais le destin en décide autrement. Lors d’un amical de pré-saison, le milieu se blesse gravement au ligament et doit être absent de longs mois. Jaroslav Plasil est acheté pour le remplacer et il lui « voler »a même son numéro de maillot durant sa convalescence. Cette saison 2007/2008 est tronqué pour lui : il ne disputera que 27 minutes en Liga. Cela pourrait être la fin de son idylle mais les dirigeants espagnols apprécient énormément l’Iranien et lui prolongent son contrat jusqu’en 2011 alors qu’il est toujours blessé.

« Mon plus beau but était contre les Girondins de Bordeaux en Coupe UEFA. »

Ce geste de confiance des dirigeants est très apprécié par Nekounam qui tombe littéralement amoureux de ce club. Lors de la saison 2008-2009 il récupére son numéro 6 avec la ferme intention de rattraper le temps perdu. C’est sa première réellement aboutie en Liga. Il dispute 35 matchs de championnat, tous titulaire et marque 9 fois. Son nom est sur toutes les bouches, sa cote s’envole. L’Iranien est même nommé meilleur milieu de la saison. Il s’affirme en Liga comme un meneur d’hommes et un footballeur incroyable. En Iran, il prend aussi de plus en plus de place en sélection. Il n’hésite pas à prendre position politiquement. En 2009 il s’affiche en faveur d’un opposant politique de Mahmoud Ahmadinejad, en jouant avec un bracelet vert lors du match face à la Corée du Sud. Nekounam devient un géant.

Crédits : Zimbio

Il réussit à porter le poids des attentes de tout un peuple féru de football, qui aime et soutient son équipe nationale en plus de porter haut les couleurs du pays en Liga. « Neku » est quelqu’un de droit, de fidèle et de respectueux. C’est un 6 agréable à voir jouer sur un terrain et un gentleman à l’extérieur. On pense qu’Osasuna devient trop petit pour lui, qu’il mérite de jouer autre chose que le maintien mais il se sent bien en Navarre et est reconnaissant envers ce club. Il rejette donc des offres notamment de Villarreal et de l’Espanyol pour continuer son aventures avec les Basques.

« Quand je suis revenu pour ma troisième saison, les choses se sont améliorées de façon spectaculaire. J’ai marqué neuf buts et j’ai été nommé meilleur milieu de terrain de la Liga. Nous avions l’habitude de joueur le maintien mais désormais nous étions en train de grimper le classement. La saison dernière, nous étions à une place d’atteindre la Ligue Europa. C’était un excellent moyen de boucler la boucle dans un club où j’ai beaucoup appris » Javad Nekounam, reconnaissant envers Osasuna.

Il évolue encore 3 saisons avec Osasuna, devient le premier capitaine étranger du club et récolte énormément de louanges. Le club se maintient mais la période de faste est passée. Nekounam, qui a réussi à faire venir un autre compatriote en la personne de Masoud Shojaei, voit que son salaire commence à être un poids pour le club. Surtout qu’il continue à être courtisé en Iran. Après une discussion avec son président et d’un commun accord (même si le président semblait plus d’accord que lui), Nekounam retourne au pays et quitte donc des Rojillos qui ont flirté avec la zone Europe toute la saison.

« La plus belle chose écrite à mon sujet, c’est quand les journaux espagnols me comparaient au caviar iranien, célèbre comme le meilleur du monde. Les Espagnols m’ont comparé à toutes sortes de joueurs locaux, ce qui est assez rare pour un étranger là-bas, mais le plus beau compliment de tous est d’avoir été nommé capitaine d’Osasuna pour les dernières saisons. J’ai été le premier professionnel étranger à porter le brassard » Javad Nekounam, à la louche

Mais l’idylle avec Osasuna ne pouvait pas se terminer comme ça. Après avoir remporté un titre de champion d’Iran et une coupe au Koweit, le club espagnol revient à la charge pour rapatrier son Iranien adoré. Osasuna est alors en D2 et « Neku » vient de se qualifier pour la Coupe du Monde 2014 au Brésil. Nekounam accepte tout de même de retourner à Pampelune.

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Le retour ne dure qu’une saison mais l’Iranien se rappelle aux bons souvenirs de tous les supporters Gorritxoak avec 22 matchs et 5 buts. En mars 2015, il met tout de même un terme à sa carrière internationale. Les résultats du club sont loin d’être bons, Osasuna vegète en bas de classement et se sauve miraculeusement. Nekounam fait une nouvelle fois ses adieux mais pour de bon cette fois.

« Etre à Osasuna est un honneur, c’est comme une famille pour moi. J’ai passé de très bons moments à Osasuna, j’ai de bons souvenirs. Depuis le dernier match du Mondial, je ne pensais qu’à Osasuna. Bien que je ne sois pas né à Pampelune, c’est comme si je venais d’ici. Je me considère de Pampelune. Je n’ai jamais joué pour de l’argent. Je suis un professionnel bien sûr, mais l’argent n’a pas été le principal »

Bien que sans succès majeur ni en Europe ni avec sa sélection, Javad Nekounam reste une référence pour son implication sur et en dehors des terrains. « Neku » a été un catalyseur, un talisman qui a fait rêver les supporters d’Osasuna et les Iraniens durant de longues années. Après un passage en tant qu’adjoint de Carlos Queiroz avec l’Iran, il a fait ses débuts de coach avec déjà quelques succès. De quoi le voir revenir une nouvelle fois à Osasuna ?

Benjamin Bruchet 

@BenjaminB_13

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