Van Nistelrooy-Ronaldo : rivalité, coup de latte et théorie du ketchup

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Ruud van Nistelrooy et Cristiano Ronaldo sont deux géants qui se sont côtoyés à Manchester United et au Real Madrid. Entre disputes, conseils et progression, leurs destin ont été liés durant de nombreuses années. Retour sur les liens compliqués qu’ont entretenu le Néerlandais et le Portugais. 

Ruuuud et CR7 ont été coéquipiers pendant 3 ans et demi : trois chez les Red Devils, de 2003 à 2006, et un semestre à la Casa Blanca, en 2009-2010. Dans le jeu, rien ne les rapprochait ou presque. Cependant, ce sont deux joueurs ultra-précoces. Quand Van Nistelrooy était titulaire à même pas 18 ans dans son club formateur, ROnaldo débarquait au même âge en Angleterre, plus précisément à Manchester United. Tous les deux font partie des hommes du légendaire Sir Alex Ferguson. Passés sous la houlette et le hairdryer de l’Ecossais, ils ont grandi et mûri mentalement et techniquement. Comme dans tout vestiaire, la cohabitation ne fut pas simple entre ces hommes avec un égo bien plus élevé que la moyenne. Retour sur quelques moments clés pour comprendre leur relation et la progression de Cristiano Ronaldo.

Des débuts chaotiques

Quand Cristiano Ronaldo arrive en 2003 en Angleterre, il n’est pas encore CR7 mais les attentes sont nombreuses puisqu’il est le jeune le plus cher d’Angleterre. Alors qu’il voulait conserver le 27 comme au Sporting CP, Ferguson lui conseille le 7 mythique de Best, Cantona et Beckham. Car si le Portugais n’est pas encore un titulaire indiscutable, son arrivée est là pour remplacer numériquement Beckham parti au Real Madrid.

Ses débuts sont pourtant très compliqués chez le géant anglais, d’autant que Manchester United est dans le creux de la vague. L’équipe mythique de 1999 a été éparpillé par Ferguson et les adversaires des Red Devils sont les invincibles d’Arsenal et le Chelsea de Mourinho. ManU n’est pas au mieux et les anciens comme Gary Neville et Rio Ferdinand sont plutôt durs avec les nouveaux. Surtout que Cristiano a un look pour le moins particulier : une dentition approximative, des jeans très serrés et des t-shirts limite transparents. Cette dégaine ne plaît pas vraiment aux Anglais du cru et Ronaldo trouve refuge chez Diego Forlán et Ruud van Nistelrooy qui sont à la marge. A l’entraînement, le Portugais est la tête de turc et sa demande d’avoir un miroir de 2 mètres dans son casier n’arrange rien.

« Ma relation avec Cristiano Ronaldo était parfaitement normale. Je lui parlais comme à la plupart des attaquants. Je me souviens que beaucoup de ses actions n’étaient pas nécessaires et qu’il manquait encore d’efficacité. Il avait sûrement beaucoup de marge pour améliorer ses premières années à Manchester » Ruud Van Nistelrooy, sous la menace.

En 2003 quand le jeune Ronaldo signe, Van Nistelrooy est déjà « Van the Man », un buteur ultra prolifique, celui qui doit être trouvé en toutes circonstances. Il est LE référent offensif et tout le monde joue pour lui. Malgré une arrivée retardée d’une saison en raison d’une rupture des ligaments croisés lors d’un entraînement avec le PSV, Van Nistelrooy est une Bestia qui a toujours dépassé les 20 buts en championnat et les 30 toutes compétitions confondues. Même si son armoire à trophées reste peu fournie, le Batave est le chouchou d’Old Trafford. Dans le jeu tout va donc pour le mieux et dans le vestiaire les deux hommes sont proches sans pour autant être des confidents.

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Une association impossible

Alors que tout va presque pour le mieux, la relation commence à se tendre. Tout d’abord parce que le look de Ronaldo va se lisser et s’adapter à la mode anglaise. Les railleries sont donc de moins en moins tournés vers le Portugais. Et puis tout le monde se rend compte au club que le gamin a un truc en plus. Il apporte de la variation, se donne toujours à fond, fait du rab à l’entraînement. Le mental et la détermination du Portugais font qu’il commence à faire l’unanimité au club. De plus, son style plus fantasque et moins prévisible que Beckham font de lui une arme redoutable sur son aile. Quand Becks se contentait de chercher Van Nistelrooy dans la boîte, Ronaldo dribble, provoque, rentre sur son pied, cherche un point d’appui, joue pour lui avant de jouer pour le renard des surfaces.

« Une chose est certaine : Cristiano Ronaldo a travaillé très dur pour devenir le joueur qu’il est aujourd’hui. Les résultats sont là. Il est énormément dévoué au football et a toujours cherché à devenir le prototype du joueur de football parfait » Ruud van Nistelrooy, pas si mauvais perdant que ça ?

Cependant, cette prise de pouvoir refroidit la relation entre les deux hommes. Comme tous les buteurs de renom, Van Nistelrooy a un ego surdimensionné. Par exemple, il est le seul à bouder lors d’une victoire 3-0 parce qu’il n’a pas fait ficelle. RvN est comme ça, égoïste, et veut que tout le monde se plie en 4 pour le faire marquer. Avec Beckham cela se passait bien car l’Anglais ne cherchait pas à faire de différences claires et cherchait principalement à se mettre en bonne position pour trouver Van Nistelrooy lancé. Edwin Van Der Sar résume bien le rôle de Becks : « Ruud était habitué à ce que David croise la balle à chaque fois qu’il l’avait ». L’arrivée de Ronaldo change cette routine et Ruud enrage.

« Je ne sais jamais quand le centre va être réalisé. Comment je lance mon appel comme ça ? Je ressemble à un imbécile  » RvN pas content du jeu de CR

Dans le jeu, les deux sont incompatibles. Ronaldo est un ailier obsédé par le but. Il cherche constamment à faire des différences pour trouver une position de frappe. Les déplacements de l’attaquant de pointe ne l’intéresse que très peu quand un Beckham ne vit que pour ça. Van Nistelrooy va reprocher de nombreuses fois au Ronaldo son jeu pas assez lisible qui l’empêche de savoir quand déclencher son appel et bien recevoir le ballon. Wayne Rooney explique bien ce qu’a vécu l’ancien du PSV : “Van Nistelrooy était habitué à ce que Beckham et Giggs débordent et centrent pour qu’ils le trouvent dans la surface. Ensuite, Cristiano Ronaldo est arrivé et tout ça s’est terminé”Manchester United ne joue plus que pour le Néerlandais. Ronaldo s’est fait sa place et est devenu une alternative pour trouver le chemin des filets. C’est ce qui rendra fou Van Nistelrooy. Lui l’homme aux 150 buts en 5 saisons, celui qui a un des meilleurs ratio de but/matchs avec les Red Devils n’est plus l’idole de ses supporters qui n’ont d’yeux que pour le tout jeune portugais.

“Je crois que sa fin (avec ManU) l’a frustré. C’était un des meilleurs joueurs avec lesquels j’ai joué. Plus tard, nous avons tous vu qu’il y avait un problème avec Cristiano. Un des deux devait quitter le navire et je crois que Sir Alex Ferguson a pris la bonne décision”. Rooney, lucide sur l’histoire de Van Nistelrooy à Manchester United.

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Plus les matchs passent et plus la relation devient impossible. Ronaldo devient le joueur vedette des Red Devils. Il est de plus en plus prolifique et franchit la barre des 15 buts en championnat lors de la saison 2006/2007. Cette année-là sera la dernière de Van Nistelrooy en Angleterre. Lui qui est devenu l’un des meilleurs buteur du club va partir par la toute petite porte. La faute à une frustration qu’il va transformer en haine. Le Batave n’accepte pas sa situation et en devient méchant. Il demandera par exemple à Ronaldo d’aller voir son deuxième père (Carlos Queiroz, alors adjoint de Ferguson) alors que son géniteur vient de décéder quelques jours plus tôt. Le point culminant de cette rancœur qui conduira au départ du Néerlandais sera un affrontement physique entre les deux hommes, van Nistelrooy frappant le Portugais et s’en prenant aussi à Ferdinand venu les séparer.

« Ruud Van Nistelrooy lui a donné un coup de pied une fois. Ensuite j’ai donné un coup de pied à Ruud juste pour protéger Ronnie et Ruud m’a balancé un coup de poing et il m’a manqué. » Rio Ferdinand, défenseur de métier et physio à ses heures perdues.

 

Source d’inspiration

Cet événement est la goutte de sueur qui fait déborder le vase pour Sir Alex Ferguson. Van Nistelrooy doit partir. Il est notamment sur le banc lors de la finale de League Cup face à Wigan. Le Néerlandais s’envolera pour le Real Madrid quelques jours après. Mauvaise pioche : il retrouvera son meilleur ennemi à la Casa Blanca en 2009. Le Portugais est à l’apogée de sa carrière alors que RvN traîne pas mal de pépins physiques et n’est plus que l’ombre du formidable buteur létal qu’il a été. En clin d’oeil, van Nistelrooy débute la saison en Liga en remplaçant Ronaldo. Il partira à Hambourg au mercato d’hiver 2010.

Cependant, si Ronaldo a eu cette progression pour devenir le tueur qu’il est maintenant, la rigueur du Néerlandais et sa dureté à ManU y sont pour beaucoup.

« Ruud m’a dit que les buts c’était comme le ketchup. Parfois quand tu essayes, ça ne vient pas, et ensuite ils arrivent tous d’un coup » Cristiano Ronaldo en 2010

Le Portugais est passé d’un ailier fantasque, virevoltant et  capable de faire d’incroyables différences sur son coté à un buteur insatiable. En d’autres termes, un joueur qui ne crée plus de décalages mais qui sent parfaitement les coups et attend d’être servi. Ronaldo est passé de créateur à buteur qui attend que ses coéquipiers fassent principalement le travail pour le lancer dans les meilleures conditions. Le Ronaldo du Real Madrid est devenu le Ruud Van Nistelrooy de MU. Comme tout numéro 9 de talent, le nouveau CR7 est dangereux lorsqu’il touche très peu le ballon. Il déambule de moins en moins sur le côté gauche comme il l’a longtemps fait et la surface de réparation est devenue sa nouvelle maison. Le Cristiano Ronaldo de Manchester United n’aurait pas pu jouer jusqu’à 40 ans, celui du Real Madrid oui.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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