Paco Gento, le vent à travers la montagne

Coupes d'Europe En avant Real Madrid Retro

Durant son enfance, de 1956 à 1960, la Coupe d’Europe de clubs champions a été la propriété exclusive du Real Madrid. Après une période de disette, la Casa Blanca attend 1966 pour la soulever une sixième fois. Un seul joueur les a toutes remportées : Paco Gento. Souvent dans l’ombre immense de Don Alfredo Di Stéfano, l’ailier gauche est pourtant l’homme de tous les records merengues.

Cristiano Ronaldo connaît le poids des records. En cas de victoire du Real Madrid contre Liverpool samedi soir à Kiev, le Portugais soulèverait sa 5e Ligue des Champions, sa 4e avec les Vikingos. Il deviendrait l’égal d’Alfredo Di Stéfano, certainement le plus grand joueur de l’histoire du club merengue. Mais quoi qu’il en soit, il restera à une unité de Paco Gento. Actuel président d’honneur du Real Madrid, le gaucher a appartenu à deux époques distinctes qui ont marqué l’institution.

Crédits : marca.com

Gaucher caviar

« Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou » : ce vers du poème Gastibelza de Victor Hugo semble avoir été écrit pour les défenseurs espagnols suppliciés par la vitesse de Paco Gento, surnommé La Galerna del Cantábrico, en référence à ce vent froid, violent et soudain qui souffle sur les chemins escarpés et qui terrorise les marins du Nord de l’Espagne. Paco Gento est indissociable de l’histoire du Real Madrid. L’ailier n’a que 20 ans quand Santiago Bernabéu le recrute. Le gaucher n’a même pas joué 10 matches professionnel avec le Racing Santander qui l’avait attiré 6 ans plus tôt après un match où l’adolescent marque… 9 buts. L’histoire d’amour avec le club merengue va durer 18 ans et s’étaler sur trois décennies.

Quand il arrive au club en 1953, le Real Madrid ne brille pas sur la scène nationale. Cela fait 20 ans que la Liga lui échappe et le compteur reste désespérément bloqué à… deux . Le temps commence à se faire un peu long. Pour retrouver les sommets, Santiago Bernabéu met le paquet et bâtit une attaque dévastatrice: Paco Gento, Alfredo di Stéfano (plus ou moins volé au Barça), Ferenc Puskas, Raymond Kopa et Héctor Rial. C’est ce dernier qui lance véritablement la carrière du Cantabre.

En retrait

Jusqu’à présent, Gento déçoit le public exigeant du Chamartín. Trop limité techniquement, disent les supporters. Mais au contact de Rial, le gaucher se mue en éponge et apprend. Son jeu s’affine. Ses débordements, sa façon de casser les reins adverses et la précision de ses centres font merveille. Sa spécialité ? :« Je cours, je cours, je cours sur l’aile et d’un seul coup, je centre en retrait ». Gento aurait pu être un simple « tout droit » (il courrait le 100m en 11 secondes avec le ballon au pied) : il reste encore aujourd’hui le meilleur ailier espagnol de l’histoire.

Mais en dépit des cinq victoires en Coupe d’Europe obtenues dans la fin de la décennie 1950, Gento reste… en retrait par rapport à ses acolytes de l’attaque. En réalité, il doit attendre les années 1960 pour se faire un nom à part entière. Premier capitaine à avoir soulevé la C1, Miguel Muñoz a pris sa retraite en 1958 avant de s’asseoir sur le banc l’année suivante. L’ancienne génération tire sa révérence petit à petit, mais Gento reste. Il devient le capitaine du « Madrid des Yé-Yé » (1964-1971). Et s’il a beau appartenir au rival honni, la presse catalane reconnaît l’importance du gaucher au sein de cette équipe. « Paco Gento incarne la vieille garde, les temps glorieux, l’étincelle qui jaillissait des pieds de Rial ou de Di Stefano, peut-on lire dans La Vanguardia. Le Real Madrid de cette époque pratiquait un football d’une perfection jamais atteinte jusque-là. Avec les années, Gento a peut-être perdu un peu de ses facultés prodigieuses. Ses courses sont plus lentes, ses trajectoires plus prévisibles et ses coups de génie plus intermittents, mais sa présence sur le terrain reste une source de motivation et d’inspiration inégalée pour tous ses coéquipiers ».

En 1966, le n° 11 merengue a presque 33 ans mais il livre face au Partizan Belgrade l’un des plus grands matches de sa carrière. Sous son impulsion, les Yé-Yé battent les Yougoslaves (2-1) et s’adjugent la 6e Coupe d’Europe des Clubs champions. Un triomphe avant la traversée du désert : il faudra attendre un but du… Yougoslave Pedrag Mijatovic en 1998 pour que le Real Madrid ajoute un 7e trophée, 22 ans plus tard.

Unique joueur du Real Madrid à avoir reçu trois hommages au cours de sa carrière (River en 1963, Santander en 1971 et Belenenses en 1972 ; un 4e lui a été rendu en 2007), Paco Gento n’a pas eu la même réussite avec la Roja même si, très longtemps, il a détenu le record de sélections (43 capes). Absent de l’Euro 1964 remporté à domicile par l’Espagne, il a tout de même disputé deux Coupes du Monde, en 1962 et 1966. Sans grand succès :« La seule chose qui me manque, c’est la Coupe du Monde. Si j’avais réussi à la gagner, j’aurais tout gagné ». A l’image d’un Raúl, Gento reste donc un joueur de club qui a manqué de peu la consécration avec la Selección. Un joueur qui, sur 15 participations en Coupe d’Europe, a participé à 8 finales et remporté six. Trois records en une phrase ! Le vent qui vient à travers la montagne rend toujours fou.

François Miguel Boudet
@fmboudet

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