La Copa del Rey : un papa catalan qui a aussi créé le Real et une histoire intimement liée à l’Espagne

Barça Découverte En avant Histoires Real Madrid

Le FC Barcelone et le FC Séville vont s’affronter au Wanda pour s’adjuger la Copa del Rey 2018. Ce trophée, le premier qui a réellement fédéré l’Espagne et qui a permis de faire progresser le football dans la péninsule a une histoire aussi riche que complexe. Retour sur le passé de cette grande et belle compétition.

Dans la vie rien n’est simple, et le football ne déroge pas à la règle. Si en plus on commence à revenir au balbutiement du football au XXe siècle, dans un pays qui a vécu énormément d’événements historiques majeurs, on se retrouve avec quelque chose de riche et intéressant. La Copa del Rey est une coupe qui a permis de structurer le football en Espagne. Elle est aussi celle qui a permis de créer les premiers antagonismes entre les équipes, qui a permis l’établissement de la Liga ou encore de devenir un relais pour différentes opinions politiques. Cette coupe, même dans son traitement actuel, montre le sentiment particulier de l’Espagne sur son passé récent. Tranche de vie d’une compétition incroyable, qui a plus de 100 ans.

Une création catalane

La première édition de la Copa del Rey fait débat en Espagne. Pour l’Athletic, la Coupe en l’honneur du couronnement de 1902 est la première édition de la Coupe qui a construit l’Espagne du football. Pour la fédération espagnole, c’est celle de 1903 qui est prise en compte. Le format est sensiblement pareil, la Coupe se déroulait à Madrid sous l’égide du Real Madrid dans l’hippodrome de la capitale espagnole réservée habituellement aux matches de polo.

L’hippodrome de la Castellana à Madrid. Un jolie terrain de jeu. /Crédits : Urbancidades

La personne qui a eu l’idée de la création de cette Coupe fait aussi débat. Pour certains, c’est le Roi Alfonso XIII qui, au retour d’un voyage où il a découvert le football, a voulu l’implanter chez lui. Ce sport  était déjà connu en Espagne et commençait à se développer notamment dans les ports, où les anglais avaient l’habitude de faire du commerce. Cependant, aucune compétition nationale n’avait encore vu le jour. De plus, le Roi Alfonso cherche désespérément un événement pour marquer le coup pour son couronnement, lui qui ne faisait absolument pas l’unanimité. Pour d’autres, la création de cette Copa est à imputer à Carlos Padros, membre fondateur du Real Madrid et frère du président à l’époque.

Les frères Padros sont des marchands ayant une boutique liée au tissu à Madrid. Ils sont des natifs de Barcelone et ont un sens féru des affaires. Le bon Carlos est celui qui aura une place la plus importante dans le développement du football en Espagne. Parce que pour beaucoup, l’idée de la création de la Coupe en l’honneur du tout nouveau roi d’Espagne vient de lui. Il a un peu piqué l’idée à sa région natale qui a déjà une Coupe qui fait aussi de championnat en Catalogne.

Carlos Padros, cerveau de la Copa Del Rey. Crédits : WriteOpinion

Alors que Carlos Padros est boiteux du fait d’une tumeur infantile il est quand même passionné de sport et surtout de football. Le balompié prend de plus en plus d’ampleur dans la péninsule et le bon Carlos se dit que de créer une coupe nationale peut-être une très bonne idée. Il contacte alors la mairie de Madrid pour récupérer un terrain et surtout un trophée. Cette compétition est fortement inspirée de la Coupe Macaya qui est disputé en Catalogne début 1900. Le football à cette époque est en ébullition, les compétitions voient le jour et disparaissent avec une rapidité déconcertante, et il est très facile de créer un club. Cet état d’esprit de création favorise le développement du football au pays de Dali.

Cette Coupe 1902 voit donc le jour et y sont conviés les meilleurs clubs du pays. Du moins, ceux capables de venir et surtout de payer les frais de déplacement, car le football est encore totalement amateur à l’époque, aucune fédération en fournissant une quelconque aide financière. Le Bizcaya (ancêtre de l’Athletic), le FC Barcelone, le Real Madrid, l’Español (prédécesseur de l’Espanyol), le New-football club et donc le Madrid FC (l’ancêtre du Real) prennent part à cette toute nouvelle compétition. Dans cette édition 1902, on assiste au premier Clásico qui n’en est pas encore un à l’époque, entre le Real et le Barça. Les antagonismes sont un poil différents : c’est surtout le Real et l’Athletic qui ne s’apprécient guère. Le Barça lui, est plus occupé à se quereller avec la Real Sociedad. Même le Nastic de Tarragone a une rivalité plus importante avec le Real que le Barça en ce temps-là.

La Copa Del Rey, miroir de la société espagnole

Carlos Padros ne s’arrête pas là. Après avoir créé ce qui deviendra la Copa del Rey, il récupère la présidence du Real et tente de créer une fédération nationale. C’est un échec mais il réussit à structurer une fédération de la communauté de Madrid qui deviendra la fédération de football castillane. En plus d’avoir arbitré la première finale de 1902 entre le Barça et le Bizcaya, il est mandaté par le Roi et la mairie de Madrid pour organiser les éditions suivantes. Jusqu’en 1905 elle porte le nom de Copa del Ayuntamiento de Madrid (Coupe de la Mairie de Madrid en VF). De 1905 à 1931, elle se fait appeler Copa de Su Majestad El Rey Alfonso XIII (Coupe de Sa Majesté le Roi Alphonse XIII). Entre temps, des dissensions sont apparues entre les clubs prenant part à cette compétition, devenue la principale en Espagne. Elle fait office de championnat d’Espagne avant l’heure. De fait de divergences d’opinions et surtout pour éviter que le Real Madrid ne soit tout-puissant, certains clubs ont tenté de créer une nouvelle fédération et d’organiser une nouvelle Coupe.

La première photo du Real Madrid, en 1902. /Crédits : Barcelonas

C’est pour cette raison qu’en 1910 et 1913 deux coupes nationales ont été disputées : la Copa UECF et la Copa FEF. L’Espagne de cette époque est tiraillé, les causes indépendantistes prennent de l’ampleur, le Roi a de moins en moins de soutien et la République ne satisfait pas tout le monde. Chaque région tire dans son sens et le football n’est pas épargné. De 1932 à 1939, lors de la seconde République, la Copa change logiquement de nom et se fait appeler Copa del Presidente de la República (Coupe du président de la République) ou Copa de España (Coupe d’Espagne). Logiquement, quand Franco arrive au pouvoir en 1939, la Copa change une nouvelle fois de nom et se fait appeler Copa de Su Excelencia El Generalísimo ou Copa del Generalísimo (Coupe de son excellence le général suprême/ Coupe du général suprême).

Une Coupe qui structure tout le football espagnol

En plus de changer régulièrement de nom en fonction du régime parlementaire, la Copa a aussi changé maintes fois de format. Au fur et à mesure que le football espagnol s’est développé, le nombre de participants a augmenté crescendo. Au départ, ils sont au nombre de cinq, puis rapidement, d’autres clubs se sont invités et la Copa a dû faire une sélection. La Liga n’a été mis en place qu’en 1929, les championnats régionaux voir supra-régionaux (donc entre régions) étant assez bien développés en Espagne. Ce sont donc les champions de chaque région qui s’affrontent pour s’adjuger la Copa et le titre de meilleur équipe du pays. Un championnat national avant l’heure en somme.

L’Espagne a vécu un XXe siècle marqué par le Franquisme et une guerre civile. Si toute la société espagnole ressent encore les stigmates de cette période toute récente de l’histoire, le football est un bon moyen de voir comment la péninsule a encore du mal avec ce proche passé. Le football a eu un essor faste et fleurissant dans le pays mais est aussi passé par des périodes très compliquées à gérer. Plus qu’un club, souvent c’est un nom et un blason qui font qu’une équipe est reconnaissable et donc suivie à travers les exploits et les années. Sauf qu’en Espagne, quasiment tous les clubs ont changé plusieurs fois de noms et de logo.

Crédits :https://historiasdelaotrahistoria.files.wordpress.com

Lorsque la seconde République est proclamée, les équipes doivent faire disparaître tout ce qui rappelle la monarchie. On enlève donc le « Real » du nom des clubs, et on retire la couronne qui surplombe un bon nombre de blasons d’équipes. Des changements qui dénaturent pléthore d’entités. Toutefois, certains tentent de garder l’héritage de la Monarchie dans leurs logos ; on pense à Murcia ou Gijón qui remplacent la couronne par une forteresse. Par la suite, c’est l’arrivée de Franco au pouvoir qui va mettre un deuxième coup à la dénomination des clubs. Le caudillo ne veut que des clubs avec des noms castillans. Exit les hommages aux anglais chez le Sporting Gij’on ou l’Athletic Bilbao notamment, qui devienne Gijon CD ou Atlético de Bilbao.

La Copa Del Rey et l’Espagne qui a du mal avec son passé

En 1936, la guerre civile éclate et plusieurs fronts sont ouverts. Le football comme l’économie est paralysé, et semble condamné au sommeil durant cette période noire de l’histoire. Sauf que certains militants et présidents de clubs vont s’activer pour continuer de faire vivre ce magnifique sport qu’est le balompié. Sauf que l’Espagne est divisée, des villes comme Séville, San Sébastien, Bilbao ou Vigo étant contrôlées par Franco. La tenue du championnat national est compromise, et même annulée. Les républicains n’abdiquent pas et tiennent trois grandes villes sous leur égide: Madrid, Barcelone et Valence. Un élu municipal et président du FC Valence, Josep Tortajada veut continuer de faire vivre le balompié et tente de mettre sur pied un championnat.

La Ligue méditerranéenne voit le jour. Elle regroupe une partie des équipes du Campeanato de Levante et une partie du Campeanato de Catalogne. Des villes comme Hercules, Murcia ou Carthagène ont dû déclarer forfait, la faute aux bombardements subis. Les clubs de Madrid ont été invités, car en zone républicaine à cette époque. Les deux clubs majeurs, l’Athletic de Madrid et le Real ont cependant décliné. Les raisons pour expliquer cela sont multiples. Tout d’abord, Madrid était plus proche de la zone de front et les divisions en interne dans ces deux clubs étaient importantes. De cette ligue accouchera la Copa de España libre en juin et juillet 1937, qui remplace logiquement la coupe d’Espagne qui ne peut pas se tenir durant cette période de guerre. Normalement les quatre meilleurs équipes de la Ligue méditerranéenne devaient s’affronter, sauf que le Barça a préféré s’envoler pour une tournée en Amérique du Nord. C’est donc Levante, 5e qui est invité. Sous la forme de mini championnat, ce dernier s’adjuge le titre devant Valence.

Ce titre ne sera jamais reconnu comme étant une victoire en Copa del Rey par la RFEF, la fédération en place. Idem pour le titre de champion de Liga avec la victoire du Barça en Ligue Méditerranéenne. Une décision qui surprend, vu qu’il n’y avait aucune autre compétition qui se déroulait à cette époque. Les clubs ont fait une demande conjointe en 2007 à la RFEF en passant par le parlement pour reconnaître ses titres et réhabiliter ce moment de l’histoire. En 11 ans, toujours aucune réponse de la fédération espagnole, qui ne semble pas pressée. Josep Tortajada n’a été réinstitué qu’il y a peu comme président du FC Valence, symbole d’une Espagne qui ne veut pas trop regarder son passé dans les yeux.

Crédits : Josueferrer

L’histoire du Trophée de la Copa est toute aussi riche que celle de son déroulement. Franco mettra de l’ordre dans le football espagnol en supprimant notamment les championnats régionaux, augmentant ainsi la puissance de la Liga et laissant la Copa comme seule grande compétition annexe. Cette Coupe n’est pas ouverte à tous les clubs comme en France ou en Angleterre. Seul les clubs de première à troisième division peuvent y participer et les champions de D4, si ce ne sont pas des réserves de clubs pros.

Pour finir, la Copa a changé plusieurs fois de trophées. Dans le règlement, un club qui la gagne cinq fois ou qui la remporte trois fois d’affilié garde le trophée et un autre est dessiné. Cependant en cas de fait majeur historique pour l’Espagne, le trophée peut être gardé par un club sans remplir ses conditions. Par exemple le dernier en date est Séville qui a gardé la Copa de 2010 en hommage à la Roja championne du monde. Ce nouveau trophée a vécu très peu du temps vu qu’il est passé sous le bus du Real en 2011… Ramos, ce maladroit. Le Barça est le dernier club à l’avoir récupéré vu qu’ils ont réalisé le triplé et sont en course pour le quadruplé. En tout il y a eu 12 trophées offerts à des clubs : l’Athletic avec ses 23 victoires en ont trois, le Barça cinq et le Real un. L’Atlético en a un, vu qu’ils ont remporté la dernière sous Franco, Séville en a 2, celle de 2010 et celle de 36, la dernière sous la République et le Real en a un car il a gagné la première sous Franco. Séville est le dernier club en dehors des trois orges à l’avoir soulevé, en 2010 et c’était à Madrid. Alors, capable de rééditer l’exploit pour cette édition 2018 ?

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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