L’Athletic, l’autre géant d’Espagne

Athletic Club Découverte En avant Liga Santander

Dans l’ombre des deux ogres qui vampirisent l’actualité et le traitement médiatique de la Liga, se dresse un beau et grand club qui a su rester fidèle à sa philosophie malgré l’évolution du football. Cette formation c’est l’Athletic, petit morceau d’histoire avec en filigrane, la Copa Del Rey.

C’est peut être l’un des clubs les plus méconnus en France dans la catégorie ogre et formation légendaire espagnole. L’Athletic Club est avec le Real et le Barça le seul club à n’être jamais descendu en Segunda. Présent depuis la création de la ligue, ce club a su traverser les époques, les modes, les guerres, sans jamais vraiment se renier. Certes la philosophie d’antan a évolué, certes le club a même dû changer de dénomination pour continuer d’exister durant les périodes compliquées, mais en 2018, l’Athletic Club se dresse toujours aussi fièrement en tant qu’étendard du football basque au milieu de la Liga. Ce club n’est pas simplement un club historique du fait de la durée de sa présence en Liga, il a aussi construit sa légende en étant un ogre, un ogre de la Copa Del Rey.

Une naissance faite de fusion et les premiers titres

Le football au pays basque est arrivé comme partout en Espagne, par le port et les Anglais. Les inventeurs du football sont venus en Espagne pour faire du commerce avec la péninsule. Sauf que dans les cales des bateaux, il n’y avait pas que des vivres, il y avait aussi des ballons. Tout d’abord, les marins anglais s’affrontaient, les locaux ne pouvaient que regarder. Ensuite, la bourgeoisie espagnole partie s’instruire en Angleterre est revenue en Espagne et a elle aussi, ramené le football. Sauf que la haute société est allée un peu plus loin et elle a créée des clubs. Au Pays Pasque, le Bilbao FC, l’Athletic Club et d’autres sont créés. Il n’existe pas encore de championnat, la vie de ces clubs est donc rythmée par les affrontements amicaux et les matchs de coupe.

Équipe vainqueur de la Copa de 1903

Entre 1902 et 1903 à peu près tous les clubs de la ville vont fusionner pour créer l’Athletic Club de Bilbao. Entre temps, le club ramasse une première coupe, celle du couronnement en l’honneur d’Alfonso XIII. Durant cette année 1903, qui est la première de l’Athletic tel que l’on connaît (l’Athletic a été déclaré officiellement en 1901), le club remporte sa première Coupe du Roi, lors d’une finale à Madrid face au FC Barcelone. Les étudiants basques font tellement la fête, qu’ils décident de créer une équipe en hommage à leur club, l’Athletic de Madrid qui deviendra par la suite… l’Atlético de Madrid.

Les succès s’enchaînent après 1903 : le club soulève aussi celle du 1904 et les Basques s’inclinent deux fois en finale en 1905 et 1906. L’Athletic est déjà un des clubs les plus importants en Espagne. Après une disette de 5 ans, le club regoûte au succès en 1911 puis en 1914, 1915 et en 1916. En 1920, 21 coupes ont été disputées, l’Athletic en a gagné 7 et s’est incliné 4 fois en finale. La domination est réelle.

Pichichi, ce Basque légendaire

Durant cette période dorée de 1920 un jeune joueur a mené l’attaque des blancs et rouges de l’Athletic. Ce joueur reconnaissable par son foulard blanc enroulé autour du crâne durant les matchs était un formidable buteur. En 10 saisons avec les Leones il inscrira près de 80 buts en 100 matchs, des comptes difficiles à tenir au vu de l’époque mais il était un joueur doté d’un sens du but incroyable.

Ce beau gosse de Pichichi

Son surnom, « Pichichi » vient de sa petite taille et de son allure fluette. En finale de Copa 1915, il marque un triplé lors de la démonstration 5-0 face à l’Espanyol. Lors de son premier match officiel face au Real, il fait trembler les filets 2 fois avant le premier quart d’heure de jeu. Rafael Moreno Aranzadi de son vrai nom a aussi été le premier buteur du légendaire San Mamés. Il est parti à la retraite très jeune et a quitté le monde des vivants tout aussi jeune, sauf que sa mémoire vit encore en Espagne et surtout au Pays-Basque. Son buste trône à proximité de San Mamés, et son surnom « Pichichi » est devenu le nom du trophée qui récompense le meilleur buteur de la Liga.

Fred Pentland, le plus anglais des basques

Même si l’ancien attaquant natif de Wolverhampton n’est pas le premier sujet de sa majesté à s’asseoir sur le banc du club basque, il est celui qui a laissé la marque la plus indélébile. Shepherd et Barnes lui ont, il est vrai, assez bien ouvert la voie. Le deuxième nommé réalisera notamment le triplé Copa entre 1914 et 1916.

La légende monsieur Pentland

Pentland arrive au Pays Basque après une saison sur le banc du Racing Santander et surtout un passage dans les prisons durant la grande guerre. Son premier passage n’est que très peu prolifique (une seul Copa en 23), mais il instaure un changement de style important : repartir de l’arrière avec du jeu au sol et des passes. Ce qui est réellement novateur quand on se rappelle ce qu’est le football de cette époque. Il n’était que très peu cadré et composé presque essentiellement de longs ballons et de dribbles. Fred voit le football sous un angle différent et il le pense pour la première fois par le collectif et non par l’individu. Pour lui le Balompié n’a pas besoin de plus d’un dribble et il doit se composer de redoublements de passes pour progresser sur le pré.

L’Athletic vainqueur de la Liga en 1931

Son deuxième passage à l’Athletic, après s’être assis sur le banc des frères de l’Atletico (encore Athletic à cette époque) et d’Oviedo, est beaucoup plus prolifique. Entre 29 et 33 il fait deux fois le doublé coupe-championnat sur deux années de suite en 30 et 31. De plus, il remporte la Copa 4 années de suite de 30 à 33. Il ne sera jamais hors du podium lors de ces 4 années. Il quitte le club en étant l’entraîneur ayant le plus remporté de titres avec les Basques, celui qui a infligé un claque 12-1 au Barça. Il a aussi managé une des trois seules équipes à remporter la Copa en gagnant tous ses matchs en 1932 avec les Leones. À son départ l’Athletic est le meilleur club d’Espagne, y’a pire comme cadeau d’adieu non ?

L’Athletic et le Franquisme, une relation particulière

L’année 36 est une année noire en Espagne, car elle marque le début d’une guerre civile qui amènera Franco au pouvoir pendant presque 40 ans. Cette année 1936 est aussi l’année où l’Athletic est champion d’Espagne. Ce changement de régime parlementaire marquera le recul net des Leones, coincés entre deux eaux, d’un coté vantés par le régime, de l’autre symbole d’une région détestée par le leader militaire.

En 1941, après un décret visant à faire disparaître les noms d’origine non-castillan, l’Athletic doit changer de nom. Comme beaucoup d’entités sportives comme le Sporting Gijon ou l’Athletic de Madrid, les clubs se plient à l’exigence du dirigeant pour ne pas disparaître. L’Athletic devient donc l’Atlético de Bilbao, fini les rappels à l’histoire liées aux Anglais. Le Pays Basque, tout comme la Catalogne ont été des fervents supporters de la république durant la guerre civile, une position qui leur sera toujours reprochée par l’administration de l’Espagne franquiste. Désignée comme « région traître », les Pays Basque est réprimé, et les opposants sévèrement punis. Pour mater tout ça et montrer sa toute puissance, l’Espagne de Franco va même jusqu’à organiser un match entre l’Atlético (feu Athletic) et San Lorenzo à San Mamés. Une façon comme un autre pour les despotes Franco et Peron de faire ami ami dans une région hostile à ce type de dirigeant.

Telmo Zarra, la légende au plus de 200 buts avec l’Athletic

Cependant, dans le même temps, l’Athletic est régulièrement pris en exemple par l’administration franquiste. Le club qui représente le plus le Pays Basque, celui qui est ancré et représente au maximum une des régions qu’il déteste devient un modèle franquiste pour plusieurs raisons. Tout d’abord la politique de recrutement, avec cette particularité de ne pouvoir recruter que des Basques qui est perçue par le Franquisme comme un rejet de l’étranger et ça, c’est en adéquation avec la philosophie mis en place par le despote. Deuxième point : le style de jeu, rugueux, violent et volontaire qui colle parfaitement avec les discours de Franco sur le courage, l’abnégation et la masculinité. De plus, l’équipe nationale est un moyen de faire rayonner le franquisme en-dehors de l’Espagne et l’Athletic est un pourvoyeur de talents très important..

On en est sur, l’Athletic n’a jamais voulu être proche du pouvoir ni vouloir en devenir un modèle, il a subi plus qu’autre chose la situation et a été régulièrement pillé par les grands clubs durant cette période. Le changement de nom, l’interdiction de l’hymne basque ou de l’apparition du drapeau sont vécus comme un déchirement pour le club. Durant les 40 ans du franquisme les Leones ne seront champions que 2 fois contre 4 fois dans le période 30 à 36. Le club basque continue cependant de performer en Copa et ajoute près de 9 trophées à son palmarès sous le nom Atlético. Ils empilent aussi certains records liés à la Coupe du Roi: Piru Gainza détient le record de titres pour un joueur (7), celui du plus grand nombres de finales appartient à Jose Maria Belauste (9) ainsi que celui du plus grand nombres de match disputés (99), quand Telmo Zarra avec 91 buts en 84 matchs en est le meilleur buteur,

Retour de l’Athletic, assouplissement de la politique de recrutement et retour dans la discrétion

En 1975, quelques mois après que le régime se soit fait ridiculiser par des militants basques et surtout après la mort du général Franco, le drapeau Basque est sorti pour un derby face à la Real Sociedad. Ce retour à l’identité basque perdue durant 40 ans sonne aussi le début de la fin pour l’Athletic.

Le club va vivre une dernière période dorée avant de rentrer dans le rang en gardant cependant son mysticisme. En 77, l’Athletic vit sa première finale européenne face à la Juventus avant celle de 2012. Les deux sont perdues mais Clémente va arriver sur le banc et refaire rêver tout une région. Le club retrouve une formule qui marche, un ancien de la maison sur le banc, un mélange d’expérience et de jeunesse sur le banc et des titres. En 83, la Liga et en 84, le doublé coupe-championnat. L’Athletic se souvient de son illustre passé et c’est tant mieux.

Clémente buvant la Liga. Crédits :deai

Cependant cette période dorée est la dernière du club, qui ne remportera plus aucun trophée par la suite. Ces décennies sans trophée prennent fin en 2015 lors de la victoire 5-1 (score total) face au Barça. L’Athletic restera cependant le détenteur du record de victoires en Copa avant de se faire dépasser à la fin des années 90 par le Barça. Par la suite l’Athletic va modifier sa politique de recrutement, garder une identité basque mais en enlevant les facteurs beaucoup trop durs. L’Athletic continue de vanter un football d’antan, de nous faire rêver par moments comme sous Bielsa mais le temps des trophées semble loin même si le retour sur le premier plan au niveau national est notable. L’Athletic est une grande dame qui ne veut pas être changée, ancrée localement ; elle met du temps à se réformer et à s’adapter. Elle vante un football d’un autre temps, nous conte une histoire, celle d’un région peuplée de gens fiers capables de faire de grandes choses quand ils sont unis. L’Athletic colle parfaitement avec cette région réellement particulière, souvent composée seulement d’un ou deux bons joueurs, elle ne réussit qu’avec un collectif soudé et puissant. Ce club raconte des choses et souvent, c’est beau.

Benjamin Bruchet

@BenjaminB_13

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