Unzué – Sacristán : le Barça loin du Barça (2e partie)

Analyse En avant Real Sociedad

Eusebio Sacristán est arrivé au FC Barcelone en 1988, tout comme Ernesto Valverde et Juan Carlos Unzué. Des trois, c’est peut-être lui qui connaît mieux les arcanes blaugranas, comme joueur mais aussi comme deuxième adjoint de l’équipe première et entraîneur du Barça B. Après Juan Carlos Unzué jeudi, portrait du coach de la Real Sociedad avant le match contre les Culés.
Était-ce un signe ? Le 4 janvier 2015, le Barça se déplace à Anoeta pour affronter la Real Sociedad. À couteaux tirés avec Lionel Messi, Luis Enrique décide de se passer de la Pulga au coup d’envoi. Les Txuri-urdinak l’emporte (1-0), l’Argentin boycotte quelques jours plus tard un entraînement au Mini Estadi et Andoni Zubizarretta est démis de ses fonctions de directeur sportif du Barça. Le Basque était le soutien numéro 1 d’Eusebio Sacristán, l’entraîneur du Barça B. L’ancien gardien international l’avait préféré à Óscar García, en grande réussite avec la Juvenil A. Un mois plus tard, Josep María Bartomeu liquide « l’héritage » de Zubi. Les mauvais résultats de la B en Segunda ont validé sportivement une décision éminemment politique. C’était la toute première fois qu’un président culé virait le coach de B en cours de saison. Un départ qui est forcément resté en travers de la gorge du natif du village de La Seca, dans la province de Valladolid, d’autant que son successeur Jordi Vinyals n’a pas empêché la descente en Segunda B.

Joueur et apprentissage du coaching au Barça, passage à Vigo : parcours classique

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Le milieu de terrain connaît bien la maison blaugrana. Arrivé en 1988 à 24 ans après 4 saisons à Valladolid et une à l’Atlético de Madrid (il arrive avec Julio Salinas), Eusebio Sacristán a été de tous les succès du FC Barcelone de Johan Cruijff : « Il est vraiment apparu dans dans ma vie pour lui donner un sens, estimait-il dans les colonnes d’El Mundo en 2015. Jusqu’alors, les joueurs comme moi étions mal vu. En réalité, il y avait peu de footballeurs petits et sans un grand niveau physique dans les équipes. Au maximum, on en autorisait un, comme Cadeñosa au Betis ou Señor à Saragosse ». 

Eusebio Sacristán au Barça c’est 267 matches, 16 buts et surtout un palmarès exceptionnel : la Coupe des Coupes 1989, 4 Ligas consécutives (1991-92-93-94), la Ligue des Champions 1992, une Copa del Rey (1990), 3 SuperCoupe d’Espagne (1991-92-94) et la SuperCoupe d’Europe 1992. Après avoir raccroché les crampons en 2002 après un passage au Celta de Vigo et un retour à Valladolid, Sácristan débute sa carrière de technicien en 2003, dans le Barça de Frank Rijkaard où il retrouve un certain Juan Carlos Unzué, alors entraîneur des gardiens.

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Sacristán devient un des membres éminents de l’équipe du Néerlandais, jusqu’en 2008. Une étape décisive, non seulement sur le plan du jeu mais aussi -surtout- sur le plan du management d’un vestiaire : « En tant qu’entraîneur, avoir été l’adjoint de Rijkaard au Barça s’est révélé capital, expliquait-il toujours dans El Mundo. Même si leurs styles de jeu étaient pratiquement les mêmes, Frank était très différent de Cruijff au niveau personnel. J’ai appris qu’on pouvait diriger d’une autre manière et être tout aussi efficace. Cette façon convenait davantage à ma personnalité ». 

Or, contrairement à Unzué qui a préféré poursuivre avec Pep Guardiola, le Pucelano tente sa chance dès mars 2009 au Celta de Vigo, alors en mauvaise posture en Segunda. Les liens entre le club galicien et les anciens joueurs du Barça ne se sont depuis lors jamais démentis. Grâce à un but d’un certain Iago Aspas qui n’est pas encore officiellement membre à part entière de l’équipe première, le maintien est assuré à 2 journées de la fin. La saison suivante, il fait une place aux canteranos, comme Hugo Mallo, Yoel Rodríguez et, évidemment à Aspas, surmommé O Mago de Moaña. Malgré tout, l’exercice ne correspond pas aux attentes. Le maintien est validé mais très loin de l’objectif de la remontée en Liga. En juin 2010, Sacristán est débarqué. Et un an plus tard, il retrouve le club de ses succès : le Barça.

Des résultats remarqués au Barça B

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Les trois premières saisons d’Eusebio Sacritán avec le Barça B sont bonnes voire très bonnes. Après avoir accroché la 8e et la 9e places, el filial termine 3e de Segunda, un exploit sachant que les équipes B ne peuvent aligner que des Sub23 dans un championnat rugueux et homogènes. Jusqu’alors, seul Luis Enrique, en 2010-11, y était parvenu. La saison 2014-15 marque la fin d’un cycle pour le Pucelano. Il en initie un nouveau en novembre 2015 en succédant à l’erreur de casting David Moyes à la tête de la Real Sociedad. De son expérience blaugrana, il conserve une certaine notion de l’exigence quotidienne, comme il l’a expliqué dans les colonnes de Naiz en mars 2017 : « Là-bas, tout le monde ne pense qu’à gagner. Personne ne veut envisager la 2e ou 3e place. Nous avons mentalement intégré que seul vaut la place de champion. Quand tu avances avec cet objectif, tu peux le concrétiser; sinon tu ne l’atteins pas. Tu as les conditions pour le réaliser. Je ne vois pas de limites pour ne pas aspirer au maximum. Cela peut être compliqué, les possibilités sont moindres que chez d’autres mais si tu as une quelconque possibilité, tu dois foncer. C’est cette mentalité que je veux travailler ».

L’ordre offensif comme philosophie

Avec un effectif qu’il n’avait pas choisi, Eusebio Sácristan achève une saison irrégulière à la 9e place. Avec les jalons posés, il applique ses préceptes de beau jeu et d’ambitions. La Real Sociedad devient l’une des attractions de la Liga 2016-17, avec des révélations comme Álvaro Odriozola et Mikel Oyarzabal, les confirmation d’Ínigo Martínez, Willian José, David Zurutuza et le retour au sommet d’Asier Illaramendi. « Les concepts défensifs de la saison dernière (2015-16, ndlr) sont ceux que nous appliquons à présent, affirmait le technicien, toujours dans Naiz. La partie offensive se travaille depuis la pré-saison. Si tout commence à fonctionner, cela vient de tout le travail réalisé jusque-là. Le plus satisfaisant, c’est que les joueurs se sentent bien quand ils jouent, quand tu affrontes un adversaire et que tu sais clairement ce que tu veux et quel chemin tu dois emprunter. Les bons résultats sont la conséquence logique et positive de tout ça ».

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Sur le terrain, ça donne une équipe qui veut aller vers l’avant mais de manière coordonnée : « Tout est fondé sur l’ordre offensif. Quand nous attaquons, nous le faisons avec des mouvements équilibrés. On peut attaquer à un ou deux sur le côté, on doit garder la position des centraux et du pivot et un des deux intérieurs doit penser qu’à n’importe quel moment il peut y avoir une perte de balle. Il faut que ces joueurs soient bien placés pour qu’en phase défensive nous puissions contrôler l’attaque de l’adversaire ». Cette façon de jouer, parfois irrésistible, a tapé dans l’oeil du Barça qui cherchait un successeur à Luis Enrique. Le board a hésité entre Valverde, Unzué et Sacristán avant de trancher pour Txingurri.

Goût de revanche

Si l’ancien milieu de terrain avait inséré dans son nouveau contrat signé en mars 2017 une clause de 5M€ en cas d’appel ferme des Blaugranas, il n’a pas oublié ce qui s’est passé deux ans auparavant : « Je suis flatté que l’on puisse me considérer comme une option pour le Barça, disait-il dans Diario As fin mars 2017. Cela dit, je ne perds pas une seconde d’attention au quotidien. Car ce qui se passe, c’est grâce à un club, la Real Sociedad, qui après 4 ans au Barça B a misé sur moi et m’a valorisé. C’est le Barça, alors que je faisais partie de son organigramme, qui n’a jamais cru en moi. C’est ça qui m’aurait plu. Aujourd’hui, je suis lié à la Real qui a cru en moi, m’a appuyé en me donnant cette grande opportunité et à qui je suis redevable ». Malgré une première partie de saison qui n’a pas été aussi brillante que ce que le laissait croire les trois larges victoires inaugurales (14e avec 23 points, à 6 de Séville pour la dernière place qualificative pour l’Europe), la Real Sociedad est toujours en lice en Ligue Europa (1/16e de finale contre Salzbourg) et peut encore nourrir de hautes ambitions en 2018, à commencer par battre l’invaincu FC Barcelone à Anoeta, un stade qui ne réussit pas aux Culés. La dernière victoire blaugrana en terres guipuzkoanes remonte à 2007. Et en mémoire de 4 janvier 2015 qui a tout changé pour lui, Eusebio Sacristán se verrait poursuivre la série des Txuri-urdinak.

François Miguel Boudet
@fmboudet

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